Dans l'histoire familiale, dans une famille normalement constituée, on commence par se marier, on espère accueillir des enfants, ils naissent les uns après les autres, on est heureux et on se demande en même temps comment faire pour s'en débarrasser le temps d'une ou deux semaines, sous prétexte de mieux les apprécier au retour.
Enfin, après des heures passées à courir après les chaussettes pour leur imprimer un nom, calculer le nombre de slips et racheter le complément, faire les sacs de camp, acheter les billets de train, les emmener à la gare, et en attendant les lessives du retour, on s'assied en respirant d'aise et en faisant un programme incroyable pour ne perdre aucune seconde de ces jours de liberté.
Seulement voilà, sonne très vite l'heure d'écrire à ces chers petits. Parce que si, en bonne mère indigne, on est capables de les évacuer de notre cerveau, eux ne nous oublient pas, et regardent comme des petits chiots affamés, la distribution des lettres en espérant faire partie des heureux élus.
Je fais partie, non pas des bonnes mères indignes, mais des excellentes mères indignes, et j'emporte dans mon sac à main les premières lettres adressées à mes chers petits. Je les glisse dans la boîte aux lettres dès que le train a quitté le quai. Voilà pour la première lettre, en général assez courte, puisque je n'ai rien à raconter que mes dernières journées de stress.
Arrive le moment de la deuxième lettre, celle qu'il faut envoyer très rapidement. La première année, je m'escrimais à écrire le plus joliment possible, mais "chassez le naturel, il revient au galop", les enfants me demandaient ardemment d'y mettre plus d'application encore. J'ai alors eu une deuxième idée de génie (la première ayant été de les envoyer en camp) : écrire mes lettres sur mon ordinateur, puis les imprimer, puis les poster !
Quelle libération ! Auparavant, j'écrivais (avec application) six fois le même texte, ou quasiment. Mon sentiment de liberté fuyait au galop. A partir de là, tout le monde a reçu la même mouture, avec un petit mot individuel avant la signature ! Et puis, pour aller plus vite, et retourner à mon programme incroyable et ne perdre aucune seconde de ces jours de liberté, j'ai opté pour la technique du biffage. En pratique, j'ai imprimé 6 fois le même texte, et rayé les mentions inutiles. Ainsi :
Chère Amélie,
Cher Albert,
Chère Antoinette,
Cher Anatole,
Cher Ambroise,
Cher Augustin,
Vive la liberté !
Nota Bene : Au retour, les enfants riaient bien de ma technique, d'autant plus que les animateurs étaient scandalisés de ces procédés, trop dignes d'une mère indigne. On peut se débarrasser de ses enfants, mais il convient de le faire avec élégance ! Heureusement, tout le monde n'a pas le même humour !