Livre : "Comment j'ai aidé mon enfant dysphasique"

lundi 4 avril 2016

Un tableau, une histoire (5)

Sur une proposition de Lakevio
 
 
 
 
 
- Grand-papa, s'il te plait, raconte-moi encore...
- Lorsque ton papa était petit, vivait dans cette maison une grande famille. Le papa et la maman avaient neuf enfants. La maison n'était pas du tout comme tu peux la voir : elle était pleine de vie, on avait l'impression qu'elle vibrait, qu'elle dansait, qu'elle chantait. Surtout pendant les vacances. C'était magique. Le matin, aux aurores, les volets s'ouvraient les uns après les autres, les fenêtres claquaient, les enfants interpellaient leur mère qui étendait sa première lessive. on les entendait courir dans l'escalier, chercher, qui un pull, qui un chausson, qui sa chaussette. Ensuite, on n'entendait plus rien pendant un tout petit moment. On savait qu'ils buvaient leur bol de lait. Chacun la tête dans son grand bol, je les ai vus une fois à l'œuvre, ils me faisaient penser aux petits veaux ! Puis la maman donnait le biberon au petit dernier, faisait des tartines les unes après les autres, "avec beurre et confiture, avec seul'ment beurre, avec beurre et miel", les enfants chantonnaient, la maman beurrait et étalait avec soin puis tendait les tartines à ses chérubins. Oh, bien sûr, il y avait des disputes : "C'est moi d'abord,
- non, c'est à mon tour,
- maman, c'est à mon tour,
- et puis d'abord, enlève le pied de ma chaise,
- rends-moi ma serviette..."
Je me demandais comment la maman faisait pour suivre. Elle entendait tout, répondait à tout le monde, mais chacun se trouvait lésé et malgré tout heureux. Vite, chacun rangeait son bol et ses couverts dans le lave-vaisselle, et celui qui était de service terminait de tout nettoyer.

Ensuite, surgissaient de cette maison des cris, des rires, des pleurs. La maman hurlait pour se faire entendre, les enfants faisaient semblant de ne rien entendre, mais finalement, ils obéissaient quand même.

Chacun jouait d'un instrument de musique, ils répétaient à peu près tous ensemble. Quelle cacophonie ! Puis ils jouaient, courraient, grimpaient les marches, les dévalaient, sortaient, entraient. Ton père et ta tante allaient souvent jouer chez eux. Derrière la maison, il y a un immense noyer dont les branches descendent jusqu'au sol. C'était un bateau, un navire, un avion, un autobus... les enfants étaient des pirates, des explorateurs, des aviateurs... Ils jouaient tous ensemble en criant et en hurlant.

La matinée passait à une allure vertigineuse. Le déjeuner était aussi bruyant que le petit-déjeuner. Enfin, en début d'après-midi c'était le calme absolu : il fallait que les plus jeunes puissent dormir. Les grands lisaient. Ils avaient une bibliothèque plus imposante que celle de notre petite ville. Ton père qui aimait lire y retournait pour lire avec ses amis. Au réveil des petits, la vie reprenait son rythme effréné avec le goûter, puis les jeux jusqu'au retour de leur père. Dès que sa voiture arrivait, ils couraient au-devant de lui et lui faisaient fête ! Souvent leur mère était plus rapide que ses enfants, elle se jetait dans les bras de son mari. Les enfants hurlaient de joie et grimpaient sur leurs parents.

Après le dîner, plus calme que les autres repas, parce que le père de famille était présent, ils faisaient la prière du soir, et pendant que les enfants de service terminaient de ranger la cuisine, la maman couchait les plus jeunes. Ensuite, ils jouaient de la musique ensemble, ou chantaient, ou encore sortaient les jeux de société. On les entendait rire. C'était tellement beau d'avoir de tels voisins.

Et un jour, le chemin de fer a été installé. Pendant que les ouvriers posaient la voie ferrée, la maman a fait des cartons. Le camion de déménagement est venu, il a emporté la si jolie famille sous d'autres cieux. Nous ne les avons plus jamais revus. C'est pourquoi la maison est devenue si triste, elle regrette toute la vie qu'elle portait en elle.

 

16 commentaires:

  1. Toute ressemblance avec des personnes existantes ou ayant existé n'est absolument pas fortuite, n'est-ce pas ?
    Christine.

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    1. Tu me fais rire ! Tu notes que la mère de famille crie beaucoup !!!

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  2. J'ai pénétré dans ton histoire avec douceur et tendresse. Soyons sûr qu'ils ont transporté leur joie de vivre ailleurs. Dommage pour les anciens voisins mais chic pour les nouveaux !

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  3. c'est une belle famille pleine d'enfants comme on les aime...

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  4. je me suis laissée emporter par cette histoire... maintenant, j'avoue, jamais je n'aurais imaginé la présence d'un lave-vaisselle dans la cuisine de cette belle demeure ...

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  5. J'ai adoré cette maison si vivante mais comme Bibiche, je n'arrive pas à imaginer la cuisine avec un lave vaisselle.

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  6. Hum c'est marrant ça me rappelle une certaine famille. Ou il n'y aurait "que" 6 enfants mais eux aussi tous musiciens ;-)

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  7. Le destin de ces maisons est souvent triste quand elles se vident.
    mab

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  8. Puisque vous y tenez, je peux enlever le lave-vaisselle, mais alors je ne réponds plus de rien quant aux disputes ! Le père était très bricoleur, il a pu installer un lave-vaisselle. Vraiment, je vous trouve un peu dures envers cette famille qui doit faire la vaisselle à la main.
    Et puis, je peux aussi supprimer le lave-linge et le sèche-linge ? Finalement c'est peut-être pour ça qu'ils ont déménagé : pour pouvoir installer l'électro-ménager sans vos remarques !!! Ils habitent à présent dans une maison moins charmante mais plus fonctionnelle. Ils rient toujours autant, je vous rassure !

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  9. ça alors! ce n'est qu'en arrivant au bout de la lecture (et après avoir revu le tableau) que je me suis aperçue de la présence de cette voie ferrée!
    beau texte, Alphonsine!

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  10. Adrienne et Bibiche me rassurent, moi non plus je n'avais pas remarqué...la voie ferrée...et ..tant pis pour le lave-vaisselle, elle m'a bien plu cette histoire, moi qui suis fille unique, j'aurais bien aimé vivre dans cette famille...

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  11. Une maison pleine de vie... ou plutôt animée par une grande famille. Dommage qu'elle n'ait pas trouvé d'autres habitants pour lui rendre son âme joyeuse !

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  12. J'aime toujours autant ta façon de raconter des histoires, avec douceur et bienveillance...

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