vendredi 7 avril 2017

Mon papa (agenda ironique d'avril)

Je vais vous conter mon histoire dans les plus brefs détails. Je la tiens de mon ancêtre en lignitude directe, qui lui-même l'a apprise par le vent. C'est ainsi dans notre famille, la nature a une influencitude sur nous.

Je suis né sur un bateau. Enfin, c'est ce qu'on m'a raconté lorsque j'étais petit : "Ta maman, c'est la mer, ton papa, c'est le bateau. Nous, les hommes d'équipage, sommes tes oncles. Et si tu ne veux pas d'ennuis, ne te montre pas aux hommes de la passerelle". Ma petitude faisait confiance aux racontitudes, et puis c'est tellement plus joli ainsi.

Mon papa c'estun cargo. Il est grand, puissant et fort. Sa ligne d'eau est peinte en rouge, le reste de la coque resplendit dans sa teinte bleu ciel. Mon papa est grand, c'est un géant avec ses 398 mètres de long et 54 mètres de large. D'ailleurs pour mon anniversaire il m'a offert une trottinette pour que je puisse faire des courses de la proue à la poupe. Il est amusant mon papa, parce que faire la course tout seul ne présentait que peu d'intérêt. Je suis toujours le gagnant - ou le perdant selon la façon de considérer la chositude. Alors il m'a offert un chronomètre pour que je puisse battre mon propre record. Ca, c'est chouette.

Mon papa est grand, puissant et fort, il me protège de maman. Maman elle, est très primesautière. Elle se laisse emporter par le vent et n'hésite pas à changer de sens là où va le courant. On la croit calme, paisible, belle, couleur bleu sombre les jours de grand soleil, virant au vert vers le soir, et à l'or à l'aurore. Mais il ne faut pas s'y fier, au moment où on s'y attend le moins, elle gonfle, enfle, hurle et domine. Elle mène papa en bateau, le malmène, le ballote et l'emporte. Papa se recroqueville alors, il ferme ses écoutilles, sort les seaux pour les hommes qui ont la sottitude de ne pas avoir le cœur solide et de persister à vouloir voguer sur les flots, et attend, secoué en tous sens que maman se calme. Il gagne toujours, il est fort mon papa. Il a bien compris qu'il valait mieux faire semblant d'accepter les lubies de maman, ses cris et ses emportements, la laisser accroire qu'elle pouvait le mener par le bout de la proue. En réalité, c'est lui qui garde le cap et qui nous emporte, envers et contre tout vers notre destination. 




Pour l'agenda ironique d'avril, selon la formule imposée par "Ecri'turbulente" : écrire un texte à la première personne, choisir une embarcation, raconter une traversée, et ponctuer le texte de termes hurluberlus avec un suffixe en "-itude".
Pour voir les textes au fur et à mesure de leurs parutions, cliquer ICI.


25 commentaires:

  1. Ben oui, c'est bien connu, les Papas sont toujours les plus forts, non ?
    Et celui-là a beaucoup à faire avec une compagne aussi versatile !
    Merci pour ta participation :D

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    1. Mais c'est un couple qui tient dans le temps. Ils ne s'ennuient jamais ensemble !

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  2. L'idée est on ne peut plus pittoresque, j'ai trouvé la mer extravagante, le père inébranlable, et me suis demandée à quoi le fils pouvait bien ressembler. Le génie de l'histoire est dans le regard et la candeur qu'il nous offre.
    C'est drôlement judicieux ton histoire Alphonsine, une trouvaille décalée comme j'aime à découvrir.

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    1. Je séchais complètement, ce qui était d'autant plus pénible qu'il me fallait voguer sur les eaux... J'ai alors demandé à 1pattedanslencrier de m'envoyer ses muses, parce que son texte est estomacant. Il a bien voulu me faire cette faveur. Admire les muses, c'est leur oeuvre !
      Merci à toi Jobougon, tu ne peux imaginer comme ton commentaire me fait plaisir !

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  3. Et bien, pour quelqu'un qui n'avait pas trouvé l'inspiritude!
    Pour une réussite, c'est une réussite.
    j'adore!

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    1. L'inspiritude vient en écrivant. Ou alors en se laissant ballotter par le bus. C'est selon.

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  4. Tout d'abord (à tribord), je me suis demandé ce que venait faire un tel titre dans la contraintitude de l'agenda écrevissien. Hé bien, je me suis laissé mener en bâteau (comme ta formule si bien employée ici) et j'ai adhéré, aimé, visualisé (car très photogénique, ton texte). Bref, je ne dis qu'un mot. Bravo, Alphonsine. (Ce qui en fait deux).

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    1. Merci beaucoup, Anne de Louvain-la-Neuve. Ce que j'admire chez toi, c'est ta capacité infinie de faire des jeux de mots devant lesquels je m'incline !

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  5. On est comme emporté par la fraîcheur de ton narrateur ....
    Poétiquement parlant :-)

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    1. Il est gentil, ce petit gars. Mais aussi, il est si bien entouré !

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  6. Touchée par le récit et tout ce que cela m'évoque. J'aime beaucoup la tendresse qui s'en dégage... C'est doux comme une enfance heureuse :)

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  7. Doux, tendre et amoureux ! Ton texte est un délice à lire !!

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    1. Merci, mais n'oublie pas que c'est grâce aux muses que tu m'as envoyées !

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  8. Délicieux texte, les muses ont bon dos et toi le pied marin, c'est joliment écrit, et le ton est à si bon escient qu'on retombe tous un peu en enfance !

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    1. J'ai certes le pied marin, mais je laisse aux autres la possibilité de se faire offrir des horizons.

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  9. Il est très émouvant ton texte Alphonsine ! Il m'a presque fait penser à "En attendant Bojangles" ! Remercions les muse d'Une patte mais c'est toi que je félicite pour ce récit très bien écrit ! ;)

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    1. Je ne connaissais pas ce livre. J'aime beaucoup Nina Simone que j'écoute en écrivant ce commentaire !

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  10. Joli, et une idée très originale ! Et qu'on admire le papa !

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  11. Je repasse relire et je me rends compte que ton texte me touche beaucoup et que je n'ai même pas pris le temps de l'écrire ! Voilà : il a une forte influencitude à me faire sourire de béatitude !

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    1. J'espère que la béatitude ne va rester collée sur ton visage, sinon tu ressembleras au "ravi" de la crèche !

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  12. Je repasse relire et je me rends compte que ton texte me touche beaucoup et que je n'ai même pas pris le temps de l'écrire ! Voilà : il a une forte influencitude à me faire sourire de béatitude !

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