Nous passons une nuit épouvantable. Dès qu’un bateau nous fait
des vagues, nous sursautons, et nous craignons que le voilier ne soit en train
de couler. Dès que les différences de température font se dilater la coque,
nous entendons des claquements qui nous font craindre le pire. Dès qu’un bruit
curieux retentit, nous imaginons que des passants viennent nous rendre visite
(nous sommes amarrés sur le quai le long de la route dans un endroit
touristique). La seule fois où nous rions hystériquement, c’est lorsqu’un petit
allemand dit « Maman, regarde le beau bateau, il est immense ! ………
Oh, regarde maman, il est tout cassé ! »
Au petit matin, nous avons déjà déjeuné, et nos bagages sont prêts
lorsque les loueurs arrivent à trois. Nous les voyons s’arrêter sur le quai,
les bras ballants, la bouche ouverte et les yeux aussi, exorbités, contemplant
les dégâts sur le voilier, nous regardant nous, soulagés de nous voir sains et
saufs. Gentiment, ils se proposent de nous aider, et portent nos sacs sur le
quai.
De leur côté, ils sécurisent le bateau (ce que Monsieur Alphonse
n’a pas pu faire avec son bras, et faute de temps). Ils utilisent un cordage
pour refixer le mât à l’arrière, s’étonnent qu’avec ce choc, et les câbles
sectionnés, le mât ne soit pas tombé en perçant la coque. Ils remontent tant
bien que mal les rambardes, essayent de débloquer complètement la barre qui est
toujours difficile à manœuvrer. Ce sont tous des skippers avertis, et ont déjà
vu un grand nombre d’accidents dans leur vie, mais jamais de survivants pour ce
genre de situation. Là, nous avions compris que nous étions des miraculés.
Un taxi vient nous chercher : c’est un 15 places. Nous
montons à bord, et nous quittons Sibénik. Je me demande si nous arriverons
entiers à Zadar. Je dis à mon mari que ce n’était pas la peine d’être miraculé
de la mer pour mourir sur la route. Le chauffeur a trois téléphones portables.
Dès que Monsieur Alphonse lui pose une question, il prend l’un ou l’autre, soit
pour appeler un copain et lui poser la question, soit pour chercher la réponse
sur Internet. Je supplie mon mari de ne plus lui adresser la parole, puisque
même s’il ne consulte pas ses téléphones, il le regarde pour lui répondre. Je
préfère qu’il regarde la route. Le téléphone sonne… je suis à bout, parce qu’alors
il dévie sur la droite. Nous sommes alors sur l’autoroute. Je réprime un cri d’effroi,
le chauffeur me demande calmement ce qui m’arrive, je lui présente mes excuses,
et mon mari lui explique que nous sortons d’un grave accident.
Bon, les téléphones n’ont plus sonné depuis longtemps, Monsieur
Alphonse ne lui pose plus de question, je me détends progressivement et regarde
le paysage. Mais qu’arrive-t-il ? Le chauffeur joue au guide touristique.
Il veut nous montrer une vue somptueuse au-dessus d’un pont, il ralentit, il
freine, il roule à 40 km/h sur l’autoroute. Vat-il y avoir une fin à ce stress
continu ?
Nous sommes enfin à Zadar, et le chauffeur de taxi repart avec
ses trois téléphones. Je recherche notre voiture, il fait au moins 50° C dans
la voiture. Albert charge les bagages pendant que Monsieur Alphonse règle les
papiers avec le loueur. On le traite à nouveau en miraculé. En attendant qu’il
revienne, nous allons nous doucher, et nous donnons rendez-vous au café de la
marina. Nous allons y prendre un déjeuner rapide avant de rentrer.
La question essentielle se pose : « Que faisons-nous ? »
On nous propose un voilier plus grand, plus beau, avec skipper si nous le
souhaitons. J’avoue attendre les réponses des uns et des autres avec
inquiétude. Mais Augustin répète inlassablement « Pour moi, papa, la
voile, c’est ter-mi-né ». Il nous faut respecter cette attitude radicale.
Moi-même je suis un peu soulagée, parce que si nous devions repartir, je
passerais mon temps à scruter la mer à la recherche d’un autre Frankenstein de
la mer. Et d’ailleurs, Monsieur Alphonse est le seul qui connaisse le métier,
et il est sévèrement handicapé par son bras. C’est un peu utopique et risqué de
penser repartir immédiatement.
Reste la question : « Que faisons-nous alors ? »
Monsieur Alphonse a l’idée géniale de nous proposer de nous rendre dans notre
maison en Alsace. Le meublé qui nous attend en Suisse n’est pas chez nous, nous
serons mieux dans nos murs, dans notre maison que nous aimons. « Et Nadia
et Ennio ? » Ce sont nos amis italiens (j’avais fait la connaissance
de Nadia par le forum de marmiton, et son mari et elle sont devenus des amis
chers que nous aimons retrouver. Nous avions prévu de nous rencontrer à Venise,
et de poursuivre la visite des îles ensemble) (Pour la visite de Venise avec Nadia, cliquer ICI) Il était
inconcevable pour tous les membres de la famille de rentrer sans les voir.
Accessoirement, il me semblait difficile, stressée comme je l’étais, de faire
le trajet du retour en une seule fois. Il nous fallait d’abord nous reposer.
Nous avons donc pris contact avec Nadia, qui, gentiment, et de
façon toute professionnelle, nous a choisi un gîte magnifique pour deux nuits
tout près de chez elle. Elle a organisé la journée du lendemain d’une main de
maître : un pique-nique géant dans un beau parc, et une réservation pour dîner
dans un restaurant typique de la région.
Pour nous, cet accueil a été salvateur. Nous nous sentions
entourés et aimés, et cela nous a beaucoup aidés à relativiser le drame que
nous avions subi. Enfin, nous pouvions parler d’autre chose que d’accident
dramatique. C’est à ce moment que j’ai acheté le somptueux couteau à pain qui m’a
valu du stress le jour de la rentrée (ICI).
On réalise pleinement la grandeur et la beauté de l’amitié
lorsqu’on vit la générosité, la disponibilité et la serviabilité des amis.
J’en profite pour vous remercier, vous toutes qui avez déposé
vos commentaires qui sont un baume. Chacune dans votre style, vous avez su me
toucher avec vos mots emprunts de délicatesse et d’affection. Merci à vous
toutes.
J'imagine que ressasser et penser au pire ne sert à rien ... Je suis contente que vos vacances se soient terminées enveloppés par la bienveillance de Nadia. Et j'espère que tu nous diras ce qui est advenu du Frankenstein des mers !
RépondreSupprimerFinalement, un blog, c'est bien pratique pour aider à évacuer le stress ! (en plus des amis, de la famille etc...). Y a de quoi être traumatisé pour un moment avec un truc pareil !
RépondreSupprimerComme tu as le rebond facile, tu devrais y arriver, non ?
Je te suis depuis un bon moment sans jamais laisser de commentaires,je m'en excuse.
RépondreSupprimerMais quelles vacances,quel stress et quelle chance !!!
J'espère que ces mauvaises aventures seront vite derrière vous.
Merci pour ta fidélité, et merci aussi de sortir de ton anonymat ! Ton commentaire m'a fait plaisir. Avec la rentrée nous avons d'autres sujets de discussion !!! @ très vite !
SupprimerAprès le bateau, le taxi vous éprouve. Quelles vacances ! Merci à Nadia et Ennio de vous avoir accueillis en douceur.
RépondreSupprimerPS : nous n'avons pas d'information concernant la visite à l'hôpital d'Alphonsine. Est-ce que tout va bien ?
Pas de fracture du crâne, pas de fracture au niveau de l'épaule. Je garde des douleurs aux épaules, mais ça se calme tout doucement...
SupprimerQue d'émotions ! Vous les avez cumulées, quand même. J'espère que tu n'en as plus à nous raconter !!!
RépondreSupprimerJe suis bien contente que vous ayez pu faire un arrêt en Italie. Ton amie a fait les chose en grand, et même si vous avez le goût des choses simples, j'ai idée, que ce "luxe" était nécessaire.
J'espère que le couteau à pain est maintenant bien apprivoisé ;)
Une heureuse fin pour oublier (un peu) le début mouvementé de vos vacances... Je t'embrasse.
RépondreSupprimerQuelle bonne idée cette halte à Venise et cette fin de vacances chez toi en Alsace ! Rien de tel que de se retrouver en terrain connu pour être rassurés et se sentir mieux. Et tu as raison, l'amitié est vraiment très importante et ton amie a su vous rendre le sourire et créer des jolis souvenirs de vacances qui effaceront, je l'espère, tous les cauchemars. prends bien soin de toi et des tiens Alphonsine. Amicalement
RépondreSupprimerJe n'aurais jamais imaginé qu'une amitié puisse être un tel baume !
SupprimerMerci pour ton soutien !
J'ai dévoré ton article, partagé vos émotions... je crois que je suis lessivée ! Pfff, quelles vacances éprouvantes... mais heureusement que vous ayez été si bien entourés !
RépondreSupprimerAh Ah... La découverte de la conduite croate... Nous avions été impressionné aussi quand nous y sommes allés... Dans la même veine, je connais la marocaine, la turque et la grecque...
RépondreSupprimerMais après le stress que vous aviez vécu, dur dur...
Maintenant, il faut que vous vous remettiez bien. Ca fait presque un mois, mais c'est encore frais. Bon courage!
Dans les styles de conduite, je connais également les italiens au sud de Rome... impressionnant !
SupprimerEt encore, tu as trouvé moyen de faire des photos -le paysage est réellement magnifique!- malgré ton état de stress!
RépondreSupprimerJ'avoue que j'ai lu et relu plusieurs fois tes billets et regardé les photos en détails, c'est terrifiant! Miraculés certes, mais j'espère que vous pourrez vous rétablir les uns et les autres....
La pause vénitienne a été bienvenue alors!
Bon courage à vous tous!
Heureusement, un bel épilogue.
RépondreSupprimerLa rentrée doit te paraître d'un calme très reposant.
Enfin, je l'espère....
Es-tu sure de n'avoir pas vu des ailes dans le dos de Nadia ?
RépondreSupprimerTachez de ne garder que les belles images (sont fous ces taxis Croates !)...
Faut interdire tout les moteurs en Croatie !C'est une question de santé publique !
RépondreSupprimerJe suis certaine que même à vélo ils sont capables de provoquer des catastrophes !
SupprimerJ'imagine très volontiers le stress dans la voiture du Taxi !
RépondreSupprimerEn ce qui me concerne, je suis déjà facilement stressée en voiture !
Alors après des événements comme les vôtres et un chauffeur déjanté c'est la crise d'apoplexie !
Dis donc c'est une blague le coup du taxi?!! décidément vous aurez tout eu, et même un épilogue qui rassure sur le genre humain.
RépondreSupprimerDes bises