lundi 10 octobre 2016

Un tableau, une histoire (17)



edouard vuillard nature morte avec bouteille et carafe

Il habitait dans la plus grande maison du village, et s'occupait seul de son ménage. Petit à petit, il avait ralenti ses activités, il avait donné sa vache, il passait moins de temps dans les champs. Mais tous les 15 jours il faisait son pain en chauffant son four à pain, tous les jours il s'occupait de ses lapins en leur cherchant du fourrage dans les prés, tous les ans, il partait vendanger avec son fils, sa fille et ses cinq petits-enfants, ainsi que ses arrières petits-enfants.
 
A midi, il enfourchait son vélo et déjeunait chez sa belle-fille. Matin et soir il s'occupait lui-même de son repas.
 
Il était agréable, enjoué, savait profiter de la vie, s'asseyait sur le banc du village où le rejoignait une voisine. Ils devisaient, se chauffaient au soleil avant de retourner chacun chez soi pour y passer la soirée. Son fricot n'était pas très élaboré : un peu de pain, du lard, du fromage. Tous les jours, il buvait un petit verre de vin, jamais plus.
 
Un jour, il a vu ses voisins charger des valises dans leur voiture, il a compris qu'ils partaient pour le week-end. Il est venu leur faire ses adieux, comme il le faisait souvent, mais cette fois avec une insistance qu'il n'avait jamais eue. C'était un vendredi. Le dimanche soir, lorsqu'ils sont rentrés, ils ont appris qu'il était mort. Sans un bruit.
 
Le jour de son enterrement, sa fille m'a dit qu'il avait rangé sa maison. Tout était en ordre. Il s'était fait beau, était allé chez le coiffeur, savait au fond de lui qu'il allait mourir, c'est pourquoi il était aller dire au-revoir à tous ceux qu'il aimait. Il lui avait téléphoné pour tout lui expliquer à elle qui habitait si loin. Il ne voulait ennuyer personne en mourant dans son lit. C'est pourquoi il s'était fait emmener à l'hôpital.
 
Ce tableau m'a fait penser à lui. C'était un homme bien. Nous l'aimions beaucoup.
 

14 commentaires:

  1. une bien belle histoire, un bel hommage à quelqu'un de bien!

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  2. Oui, une belle histoire que j'ai lue avec un frisson.

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  3. Hé bé...
    Belle histoire mais comme beaucoup de celles que j'ai lues, sans espoir.
    Sauf celle de Lakevio.

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  4. C'est une belle histoire et un homme bien.

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  5. Histoire touchante que la solitude de cet homme et de sa sollicitude pour les siens.
    Superbe.

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    1. Non, non, il n'était pas seul, son fils vit dans le même village, il le voyait souvent.

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  6. Tu m'as émue, avec cette histoire.
    J'aime beaucoup cette retenue, cette dignité jusque dans les derniers instants. C'est d'une grande noblesse.

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    1. Tu as le mot juste : il était d'une grande noblesse.

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  7. Quelle belle sortie de la scène de la vie ! Prendre le temps de dire au revoir et se préparer pour être le plus beau possible avant le grand départ ; que j'aimerai avoir cette chance ! (Mais dans quelques années...)

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  8. C'est triste mais si vrai si bien écrit
    Bravo à toi

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  9. On sent une grande délicatesse chez cet homme, ton texte est très beau. Merci .

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  10. Les yeux me piquent... c'est beau.

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  11. Vivre autonome et prévenant, seul et parmi les autres, et partir en prévenant et sans déranger ; preuves d'un rare savoir-vivre
    (je me relis avant de valider et j'hésite devant le jeu de mot qui s'est invité sans ma permission, et puis je laisse, ne sachant pas mieux dire)

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